La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice - Impacts Patrimoniaux

L’importante loi du 23 mars 2019 portant réforme de la justice sera abondamment commentée dans sa dimension pénale et procédurale.
Nous nous contenterons ici de signaler certaines des dispositions parmi les plus importantes, en matière patrimoniale, relative au changement de régime matrimonial et au divorce.

I- Modification du régime matrimonial des époux

L’article 08 de la loi modifie l’article 1397 du Code civil relatif à la modification du régime matrimonial.
Les principales modifications sont les suivantes :

– Suppression du délai de deux ans

Jusqu’alors, pour modifier le contrat de mariage, la loi imposait une condition de délai de deux ans à compter de la célébration du mariage ou de la précédente modification.
La suppression de ce délai participe d’un mouvement général de remise en cause du principe d’immutabilité du régime matrimonial. Il ne s’agit plus d’exiger des époux d’attendre pour pouvoir vérifier les effets du régime choisi, mais de leur laisser la possibilité d’adapter immédiatement leur régime aux évolutions, en particulier professionnelles, de leur existence.

– Situation de l’enfant majeur, personne vulnérable

Jusqu’alors, la loi était muette sur la situation de l’enfant majeur des époux, protégé, et sur sa possibilité effective d’exercer son droit d’opposition.
La loi précise maintenant que « Les personnes qui avaient été parties dans le contrat modifié et les enfants majeurs de chaque époux sont informés personnellement de la modification envisagée. Chacun d’eux peut s’opposer à la modification dans le délai de trois mois. En cas d’enfant mineur sous tutelle ou d’enfant majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique, l’information est délivrée à son représentant, qui agit sans autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles » (C. civil. art. 1397, al. 2).
L’emploi du terme représentant pourrait laisser penser que la mesure ne s’applique qu’en cas de tutelle, mais il y a la sans doute une interprétation trop restrictive, il faut entendre le terme comme équivalent d’un mandataire de la personne vulnérable.

– Reflux du domaine de l’homologation judiciaire

Jusqu’alors, depuis la loi du 23 juin 2006, qui avait fortement limité le domaine de cette homologation, celle-ci n’était exigé que dans les cas suivants :
– l’un des époux a des enfants mineurs,
– ou en cas d’opposition à la modification envisagée.
La réforme de 2019 supprime l’homologation judiciaire en présence d’enfant mineur sous administration légale.
En revanche, si l’enfant est placé sous tutelle, nous l’avons vu, son représentant doit être informé de la modification. Et « En cas d’opposition, l’acte notarié est soumis à l’homologation du tribunal du domicile des époux. La demande et la décision d’homologation sont publiées dans les conditions et sous les sanctions prévues au code de procédure civile ».
L’enfant placé sous administration légale n’a pas d’autres représentants que ses parents. Il ne bénéficie donc pas d’une information personnelle et ne peut donc pas s’opposer.
Toutefois, « Lorsque l’un ou l’autre des époux a des enfants mineurs sous le régime de l’administration légale, le notaire peut saisir le juge des tutelles dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 387-3 ».
C’est donc le notaire qui devient juge des intérêts de cet enfant.
C’est une charge nouvelle qui s’inscrit dans l’évolution du rôle du notaire et dans le cadre de son obligation de conseil, mais qui dit charge nouvelle, dit responsabilité possible…

II – Réforme du divorce

Les articles 22 et 23 de la loi modifie partiellement le droit du divorce.

A) Modification de fond
Bien qu’il ne s’agisse pas de l’objet même de la loi, celle-ci simplifie à la marge les conditions du divorce.
1) pour les personnes vulnérables.

Jusqu’alors, le divorce accepté était interdit pour les majeurs en curatelle ou en tutelle (u en sauvegarde de justice).
Désormais, celui-ci est possible :
Art. 249.-Dans l’instance en divorce, le majeur en tutelle est représenté par son tuteur et le majeur en curatelle exerce l’action lui-même, avec l’assistance de son curateur. Toutefois, la personne protégée peut accepter seule le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci. » ;
La portée de ce texte est importante puisqu’elle confère à l’acceptation du principe du divorce un effet strictement personnel. Naturellement, le rôle du juge sera de vérifier l’existence du consentement (le majeur ne doit pas être insane) ainsi que la bonne compréhension par celui-ci du principe du divorce

2) Réforme du divorce pour rupture de la vie conjugale

Ce type de divorce est destiné aux époux ayant cessé toute communauté de vie, vivent séparés depuis 2 ans lors de l’assignation en divorce.
Article 237 du Code civil : ” Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré.”
Article 238 du Code civil : ” L’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis deux ans lors de l’assignation en divorce. ”
Désormais, le délai est réduit à une année :
Art. 238.- L’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce ;
Si le demandeur a introduit l’instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce.
Toutefois, sans préjudice des dispositions de l’article 246, dès lors qu’une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d’un an ne soit exigé ».
Conformément au VII de l’article 109 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, ces dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat, et au plus tard le 1er septembre 2020
Le nouveau texte ne modifie pas seulement le délai mais également son point de départ, en raison des modifications importantes introduites par la loi en matière de procédure de divorce.

3) Effets du divorce

Jusqu’alors le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :
C. civ., Art. 262-1
-lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement ;
-lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, à la date de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n’en dispose autrement ;
-lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l’ordonnance de non-conciliation.
A la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu’à l’ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge.
En d’autres termes,
– lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel conventionnel : à la date du dépôt de la convention sous seing privé contresignée par les époux, à moins que cette convention n’en stipule autrement ;
– lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel judiciaire : à la date de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n’en dispose autrement ;
– lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l’ordonnance de non-conciliation.
A la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer.
Le texte est ainsi modifié
La convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :
-lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement ;
-lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, à la date de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n’en dispose autrement ;
-lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de la demande en divorce.
A la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu’à la demande en divorce, sauf décision contraire du juge.
Conformément au VII de l’article 109 de la loi 2019-222 du 23 mars 2019, ces dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat, et au plus tard le 1er septembre 2020
En d’autres termes, la loi modifie la prise d’effet :
– pour le divorce accepté ou pour faute, à la date de la demande en divorce
– La jouissance gratuite du logement familial par un seul des époux n’est plus possible que jusqu’à la demande en divorce, ce qui est un effet de la disparition de l’ordonnance de non-conciliation.

B) Modification de Forme
1) pour le divorce amiable

La loi (article 25) modifie l’article 1175 du Code civil afin d’autoriser la signature électronique de la convention de divorce ou de séparation de corps ;

2) Pour les divorces judiciaires
a) Suppression de la phase préliminaire d’homologation

La loi fait disparaître la phase préalable de conciliation.
Jusqu’à présent, la loi organisait ainsi la procédure de divorce :
Etape 1 : La requête et la tentative de conciliation
La requête
L’époux qui forme une demande en divorce présente, par avocat, une requête au juge, sans indiquer les motifs du divorce (C. civ., art. 251).
La tentative de conciliation
Lorsque le juge cherche à concilier les époux, il doit s’entretenir personnellement avec chacun d’eux séparément avant de les réunir en sa présence.
Les avocats sont ensuite appelés à assister et à participer à l’entretien.
Dans le cas où l’époux qui n’a pas formé la demande ne se présente pas à l’audience ou se trouve hors d’état de manifester sa volonté, le juge s’entretient avec l’autre conjoint et l’invite à la réflexion (C. civ., art. 252-2).
Lorsque le juge constate que le demandeur maintient sa demande, il incite les époux à régler les conséquences du divorce à l’amiable.
Il leur demande de présenter pour l’audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce. A cet effet, il peut prendre les mesures provisoires prévues à l’article 255 (art. 252-3).
Etape 2 : La demande introductive d’instance et l’instance en divorce
L’apport de la loi est le suivant
Article 251
L’époux qui introduit l’instance en divorce peut indiquer les motifs de sa demande si celle-ci est fondée sur l’acceptation du principe de la rupture du mariage ou l’altération définitive du lien conjugal. Hors ces deux cas, le fondement de la demande doit être exposé dans les premières conclusions au fond.

NOTA :
Conformément au VII de l’article 109 de la loi 2019-222 du 23 mars 2019, ces dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat, et au plus tard le 1er septembre 2020.
Concrètement,

1) la phase de conciliation est supprimée, les époux passent directement à la phase de jugement
2) La loi fusionne la requête initiale et l’acte introductif d’instance en un seul acte unique
3) En raison de la disparition de l’ordonnance de non conciliation qui fixait les mesures provisoires, La loi prévoit une audience ayant pour objet de fixer ces mesures.
Article 254
Le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à l’issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l’existence des époux et des enfants de l’introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux.

NOTA : Conformément au VII de l’article 109 de la loi 2019-222 du 23 mars 2019, ces dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat, et au plus tard le 1er septembre 2020.

b) autre modification

Pour les divorces acceptés :
Jusqu’alors en cas d’acceptation du principe de la rupture (ou divorce accepté, procédure concernant des époux qui s’entendent pour divorcer mais qui ne sont pas d’accord sur les conséquences du divorce), selon l’article 233 du Code civil : « Le divorce peut être demandé par l’un ou l’autre des époux ou par les deux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.
Cette acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel ».
La loi modifie ce texte ainsi :
« Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.
Il peut être demandé par l’un ou l’autre des époux ou par les deux lorsque chacun d’eux, assisté d’un avocat, a accepté le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats, qui peut être conclu avant l’introduction de l’instance.
Le principe de la rupture du mariage peut aussi être accepté par les époux à tout moment de la procédure ».
L’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel.
Conformément au VII de l’article 109 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, ces dispositions entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’Etat, et au plus tard le 1er septembre 2020.
La réforme accélère la déjudiciairisation de la procédure de divorce, puisque le principe de l’accord pour divorce peut être acté dans un acte sous signature privée contresigné par des avocats ;

 

Par Michel Leroy – Mai 2019

Sources

Mots clefs

Changement régime matrimoniaux – homologation – personnes protégées – autorisation du représentant – divorce – procédure re conciliation (suppression) – simplification des procédures

Thématique

Régime matrimonial – Divorce

Étiqueté avec :

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