Paiement d'une indemnité de remboursement anticipée par la communauté : conséquences liquidatives

Deux époux étaient mariés sans contrat. Au cours du mariage, ils avaient acquis ensemble un bien immobilier avec déclaration de remploi par chacun d’eux et financement du solde au moyen d’un prêt ;
Par la suite, les époux remboursèrent le prêt par anticipation.

Lors du divorce, cette acquisition fit l’objet d’âpres discussions. D’abord sur la qualification du bien.

En effet, en l’espèce, l’épouse avait financé sur ses fonds propres à hauteur de 60.979,61 €, l’autre époux pour un montant de 15.244,90 €, le complément avait été financé par la communauté à hauteur de 61.424,68 euros.
Ne fallait-il pas alors appliquer l’article 1436 du Code civil selon lequel « Quand le prix et les frais de l’acquisition excèdent la somme dont il a été fait emploi ou remploi, la communauté a droit à récompense pour l’excédent. Si, toutefois, la contribution de la communauté est supérieure à celle de l’époux acquéreur, le bien acquis tombe en communauté, sauf la récompense due à l’époux ».
En clair, ne fallait pas qualifier le bien de commun ?

Dans l’affaire cependant, dans le calcul de la contribution de la communauté, était prise en compte la valeur de l’indemnité de remboursement anticipée. Pour le mari, cette indemnité, constitue une dépense ayant servi à l’acquisition du bien financé, elle peut donc être assimilée à des frais d’acquisition.
Cette analyse est rejetée par les juges du fond, approuvés en cela par la Cour de cassation : « la cour d’appel a exactement retenu que l’indemnité de remboursement anticipé du prêt, constitutive d’une charge de jouissance supportée par la communauté, ne pouvait être assimilée à de tels frais ».

Il ne fait pas de doute que l’indemnité de remboursement anticipé ne constitue pas des frais d’acquisition du bien, celle-ci n’étant que la contrepartie d’un droit de résiliation anticipée. Elle n’est pas à prendre en compte pour la qualification du bien. Seuls les frais d’acquisition du bien, tel qu’il existait au jour de l’acte sont à prendre en compte. Ainsi, la Cour de cassation a pu juger que les intérêts de l’emprunt souscrit pour le financement partiel de cette acquisition, étant une charge de jouissance supportée par la communauté n’ont pas à être pris en compte (Cass. 1re civ., 5 mars 2008, n° 07-12.392).

Mais faut-il en conclure qu’il n’y a pas de récompense due à la communauté en raison du règlement de cette indemnité par la communauté ?
C’est la conséquence qui s’évince de la qualification de charge de jouissance. Le paiement du remboursement anticipé relève-telle de cette qualification.
Pour répondre à cette question, il faut tirer les conséquences du remboursement anticipé. Celui-ci met fin au contrat de prêt et donc au remboursement de l’emprunt. Or, le remboursement des intérêts d’emprunt par la communauté ne constitue pas une cause de récompense (Cass. 1re civ., 31 mars 1992 : Bull. civ. 1992, I, n° 96).

En revanche, le remboursement du capital constitue une telle cause.
Le paiement de l’indemnité de remboursement anticipée est-il assimilable au remboursement d’un intérêt ou d’un capital ?
Sans doute, cette indemnité est elle calculée en fonction des intérêts dus ;
En effet, selon l’article L. 312-21 du Code de la consommation : Si le contrat de prêt comporte une clause aux termes de laquelle, en cas de remboursement par anticipation, le prêteur est en droit d’exiger une indemnité au titre des intérêts non encore échus, celle-ci ne peut, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret.
Et selon l’article R 312-21 du même code : L’indemnité éventuellement due par l’emprunteur, prévue à l’article L. 312-21 en cas de remboursement par anticipation, ne peut excéder la valeur d’un semestre d’intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement.

Cependant cette indemnité est bien un capital du pour mettre fin à la dette dont l’époux était personnellement débiteur.
En d’autres termes, si la qualification de biens propres est incontestable ici, la qualification de charge de jouissance nous semble discutable.

 

Par Michel Leroy – Novembre 2018

Sources

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Mots clefs

Communauté conjugale – indemnité de remboursement – règlement par la communauté – Bien propre (oui)

Thématique

Régimes matrimoniaux

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