Un intéressant arrêt a été rendu par la Cour de cassation le 17 novembre 2021 (Cass 1ère ci. 17 novembre 2021, n° 20-12.711). L’arrêt mérite de retenir l’attention, car il concerne une situation assez fréquente compte tenu du vieillissement de la population.
Un souscripteur de contrat d’assurance vie est placé sous tutelle. La clause bénéficiaire du contrat désignait nominativement ses deux enfants et précisait qu’en cas de prédécès de l’un d’entre eux, la garantie serait acquise en totalité par le survivant.
Voici que dans ce cas, un enfant prédécède en laissant une souche pour lui succéder. Après la mise en tutelle, le juge par ordonnance autorisa le tuteur à modifier la clause bénéficiaire au profit des héritiers suivant la dévolution légale. Il en résultait un changement considérable pour l’enfant survivant puisque titulaire d’un droit éventuel sur la totalité de la garantie avant le changement, il ne bénéficiait plus que d’un droit sur la moitié de celle-ci l’autre étant attribué à la souche du prédécédé.
Après la mort de l’assuré, survenu plus de 5 ans, après la modification, l’enfant survivant prit connaissance de cette modification et de ses effets et décida de faire prévaloir ses intérêts égoïstes au détriment de ceux de la descendance de sa sœur prédécédée.
Il contesta en justice l’ordonnance judiciaire ayant autorisé le juge à modifier la clause bénéficiaire. Cependant, selon le Code de procédure civile, une telle action n’est recevable que si elle est formée dans les 15 jours, de la décision ou de la notification de l’ordonnance si le demande est bénéficiaire d’une telle notification. Or, une telle notification n’avait pas été effectuée.
La question posée était donc la suivante : l’enfant survivant pouvait-il bénéficier d’une telle notification ? Selon le Code de procédure civile, seules les personnes dont les droits sont affectés par la décision judiciaire bénéficient de cette notification.
Pour le demandeur, la modification avait produit cet effet, de sorte que la notification aurait du avoir lieu, il était donc, faute d’un tel acte, en capacité de former appel de l’ordonnance, le délai de 15 jours n’ayant pu courir. Le raisonnement emporta la conviction de la Cour d’appel saisie du litige.
Mais pas celle de la Cour de cassation : en effet, la notification ne bénéficie qu’aux personnes bénéficiaires de droits à laquelle la décision porte atteinte. Or, selon la Cour de cassation, en l’absence d’acceptation du bénéfice de ces contrats, l’enfant n’avait aucun droit acquis à leur capital, de sorte que l’ordonnance litigieuse n’avait pas à lui être notifiée.
La motivation nous semble convaincante : Il est certain en effet qu’en l’absence d’acceptation le droit sur le capital n’est pas acquis puisqu’il peut être révoqué.
L’ordonnance ne fait donc qu’autoriser le juge à exercer une prérogative que le souscripteur possédait lui-même et à laquelle l’enfant désigné n’aurait pu s’opposer.
Par Michel Leroy – Janvier 2022
Mots clefs
Assurance-vie – vulnérabilité – ordonnance judiciaire – délai d’appel
Thématique
Assurance-vie – Incapacité